Ai-je le droit de refuser de décliner mon identité?

Publié le par philoLevallois

Il n'est pas inutile de rappeler que l'écrivain Bernanos,
qui était d'extrême-droite et pratiquait volontiers l
'anti-judaïsme pour ne pas dire l'anti-sémitisme,
fut révulsé par le nazisme et écrivit courageusement
contre les persécutions dont les nazis, pétainsistes
et autres se rendaient coupables.
Voici un texte de 1944 qui donne à réfléchir
sur la question des papiers et des sans-papiers.


"Le petit bourgeois français n'avait certainement pas
assez d'imagination pour se représenter un monde
comme le nôtre si différent du sien,
un monde où à chaque carrefour la Police d'État
guetterait les suspects, filtrerait les  passants,
ferait du moindre portier d'hôtel, responsable de ses fiches,
son  auxiliaire bénévole et public. Mais tout en se félicitant de voir la Justice tirer parti,
contre les récidivistes, de la nouvelle méthode,
il pressentait qu'une arme si perfectionnée, aux mains de l'État,
ne resterait pas longtemps inoffensive pour les simples  citoyens.
C'était sa dignité qu'il croyait seulement défendre,
et il défendait avec elle nos sécurités et nos vies.
Depuis vingt ans, combien de millions d'hommes,
en Russie, en Italie, en Allemagne, en Espagne, 
ont été ainsi, grâce aux empreintes digitales,
mis dans l'impossibilité non pas seulement de nuire aux Tyrans,
mais de s'en cacher ou de les fuir ? Et ce système ingénieux
a encore détruit quelque chose de plus précieux que des millions de vies humaines.
L'idée qu'un citoyen, qui n'a jamais eu affaire à la Justice de son pays,
devrait rester parfaitement libre de dissimuler son identité à qui il lui plaît,
pour des motifs dont il est seul juge, ou simplement pour son plaisir,
que toute indiscrétion d'un policier sur ce chapitre ne saurait être tolérée
sans les raisons les plus graves, cette idée ne vient plus à l'esprit de personne."
                    Bernanos, La France contre les robots, texte de 1944

Publié dans Textes littéraires

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